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Patrie, pour le peuple en général ? On a dit que ce n’était qu’un mot ; mais c’est un peu plus ; c’est un excitant ; un stimulant aux tâches serviles et en somme inutiles ; un stimulant comme le café, l’honneur, l’alcool ou le paradis. Les choses étant ainsi, quel peut-être le patriotisme des gens au pouvoir ? Lorsque le peuple se décidera à faire de la patrie une réalité, ceux qui le gouvernent seront bien obligés d’en faire autant. Les foules ont toujours la sottise de croire que l’exemple doit leur être donné d’en haut ; mais c’est elles qui ont à donner l’exemple ; ou plutôt qui ont à donner des ordres. Ne croyez point aux souffrances des victimes ; à côté de celles des bourreaux, elles n’existent pas. Si vous saviez combien d’hommes politiques, qu’on a taxés d’indifférence, ont déploré la torpeur des masses !

— Le canon les réveillera, ces masses !

— C’est possible, dit Issacar ; bien que les gouvernements n’aient aucun intérêt à la guerre et n’en veuillent point. À propos. Dans l’éventualité d’une guerre entre la France et l’Allemagne, avez-vous pensé à l’intérêt que prendrait immédiatement le territoire belge ? Étant donné que la France ne pourrait se défendre effectivement que par l’offensive ; étant donné que les barrières élevées à l’Est par les Allemands sont infranchissables, et que ce serait folie pure d’aborder de front, si même possible, les défenses de Metz, de la forêt de Haguenau, et de Strasbourg, il est certain que c’est la Belgique qui ouvre la seule route praticable à une marche en avant vers l’Allemagne ; le point de direction, afin de tourner la ligne de la Meuse et les places du Rhin, Mayence et Cologne, devant se trouver au nord de Düsseldorf, du côté d’Elberfeld, vers la vallée de la Ruhr. L’étude du territoire belge et de son système de défense est donc des plus nécessaires ; on ne manque certes pas d’informations à ce sujet à Paris ; mais j’ai lieu de croire