me fait des réponses évasives. Il n’a pas l’air de tenir outre mesure à me voir convoler en justes noces. C’est un entremetteur peu convaincu.
La comtesse, au contraire, fait du zèle ; elle ne me permet pas de décliner une seule de ses invitations, qui se succèdent rapidement ; elle développe des aptitudes de marieuse fûtée, mais pas sans discrétion. Quant à Mlle de Lahaye-Marmenteau, elle ne me presse en aucune façon ; c’est son sourire seul qui semble me dire : « Si vous n’épousez pas ma filleule, vous serez un sot. » Cette vieille demoiselle, qui a dépassé la cinquantaine, me plaît beaucoup ; elle sait être vieille, et n’a ni les manières pédantesques ni l’amertume de la vieille fille. Elle a des convictions optimistes qu’elle pousse très loin ; par exemple, elle croit que la guerre est une excellente institution destinée par la Providence à réduire la population mâle de la terre. Elle a des yeux bleus très vifs, une bouche en éveil, un air général de satisfaction ; quelque chose de sautillant, dansant, jamais en repos, clignant sur de la joie, souvenue plutôt que ressentie ; et beaucoup d’intelligence, très calme et très fine, là-dessous. Je ne me marierai pas, c’est certain ; mais si je devais par impossible changer d’avis, c’est Mlle de Lahaye-Marmenteau qui opérerait ma conversion.
Cependant, au régiment, on jase. On parle de mes fiançailles comme d’un fait accompli. On me complimente de mon alliance avec une famille en si bons termes avec le général de Lahaye-Marmenteau ; le général va être mis avant peu à la tête de l’État-Major général. Quel veinard je suis !… Je ne puis arriver à décourager les commérages. Je commence à penser qu’un mariage, à bien prendre, me serait plus utile que cinq ou six actions d’éclat. Et les actions d’éclat, où sont-elles possibles aujourd’hui ? L’armée est devenue si peu militaire !… Quant à quitter le service… Le fait me serait sans doute possible, même