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Je ne reste que quelques jours à Paris. Pas assez longtemps pour être présenté à la baronne de Haulka, qui vient de se voir obligée d’entreprendre un petit voyage en Allemagne pour affaires personnelles. Assez longtemps cependant pour recevoir une partie de la somme que m’avait promise mon père ; dix mille francs environ ; le marchand d’antiquités ne l’a pas payé complètement et le bijoutier de la rue de la Paix ne lancera la breloque humaine qu’au moment des étrennes. Enfin, dix mille francs valent mieux que rien.

À vrai dire, je n’ai pas de grosses dépenses à faire à Malenvers. L’été est venu, et les plaisirs champêtres qu’il ménage ne sont pas très coûteux. De plus, vous savez combien il est avantageux (en province) d’avoir pour maîtresse une femme mariée. En province, ce n’est pas du tout comme à Paris, où ce sont les femmes qui ne coûtent rien qui coûtent le plus cher.

Quoique les femmes mariées aient du bon, il ne faut pas aller jusqu’à croire que leur fidélité à leurs amants est éternelle. Tout passe, tout lasse, tout casse. Mme Hardouin semble vouloir me démontrer le bien-fondé de ce vieux dicton. Elle me délaisse de plus en plus. J’ai entendu dire qu’on l’a vue plusieurs fois en compagnie du député Courbassol, dont la réputation grandit tous les jours, que la presse représente comme ministrable, et qui est venu passer quelque temps à Malenvers. Ces rumeurs m’ont ému ; d’autant plus que la notairesse ne m’a pas honoré d’une seule visite depuis près d’un mois. Une pareille indifférence blesse profondément mon amour-propre. Je me décide à faire tenir à Mme Hardouin une lettre de reproches. Elle me répond qu’elle a résolu de rompre toutes relations avec moi.