tout ça me vaut ; tu peux te reporter aux règlements ; tu y verras que les prises faites par les détachements leur appartiennent. Avec les retours du bâton, ça m’a fait un joli denier. Le trésor seul du roi Gabaurin s’élevait à huit millions. Ce pauvre roi ne nous pas donné beaucoup de fil à retordre ; sans son fils Melahdou, la campagne n’aurait duré qu’un mois. Ces brigands de sauvages n’ont que des fusils à pierre qui portent à deux cents mètres. C’est à peine s’ils m’ont tué une douzaine d’hommes.
— Pourtant, les journaux disent que la mortalité a été très élevée ?
— Ça, mon petit, c’est la faute des médicaments ; il n’y en avait pas. C’est peut-être aussi la faute de la nourriture ; il n’y en avait pas. Même les officiers avaient à peine leur petit confortable ; dans des cas pareils, bien entendu, la troupe se brosse le ventre. Les mesures avaient été mal prises. C’est la faute à ce salaud de Boulanger ; s’il laissait le gouvernement tranquille, on aurait le temps de préparer les expéditions, et l’on gaspillerait moins d’existences et moins d’argent.
Mais pourquoi donc ? Pourquoi épargner le sang et les ressources d’un peuple qui devrait faire la guerre, qui ne veut pas faire la guerre, et qui est assez vil pour consentir aux misérables entreprises coloniales qui ne servent qu’à engraisser une bande de galonnés et de mercantis ? L’Allemagne crache au nez de la France, l’Angleterre lui botte le cul. Ça ne compte pas : l’Allemagne et l’Angleterre sont fortes. Mais le Garamaka a brûlé la chapelle d’un Jésuite : À bas le Garamaka ! En avant pour le Garamaka ! Annexons le Garamaka ! Misérable et imbécile, tout ça. D’autant plus que c’est reculer pour mieux sauter. Il faudra encore y passer, par la terrible route de la Guerre, pour arriver à cette existence que les nations pressentent et admirent dans leurs rêves, rêves