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vais sans doute trouver réconfortante la sottise de la province.



Les fenêtres du petit appartement que j’occupe à Malenvers s’ouvrent sur un grand jardin ; après ce grand jardin il y en a un autre, au bout duquel on aperçoit une jolie maison blanche. De chez moi je puis voir nettement, comme découpée entre les branches verdoyantes, tout au fond des frondaisons des grands arbres, l’une des fenêtres de cette maison, au premier étage. Je pourrais même distinguer, si l’envie m’en venait, ce qui se passe dans la chambre qu’éclaire cette fenêtre, généralement ouverte. Et un jour, l’idée m’en vient. Je prends donc ma jumelle, et j’aperçois immédiatement…

— Une femme ?

Naturellement, naturellement. Jeune, belle, gracieuse et à sa toilette — ça va sans dire. — Mais ce qu’il convient d’expliquer, c’est le caractère spécial de la toilette à laquelle procède cette beauté. La dame, qui possède d’épais et longs cheveux bruns, essaye tour à tour les coiffures les plus excentriques ; elle se maquille, se farde les joues, se poudre, se fait les yeux, se rougit les lèvres. Elle se pare de bijoux divers et nombreux ; elle se drape en d’élégantes tea-gowns dont chacune donne à son charme une originalité nouvelle ; elle s’admire devant des glaces, prend des poses voluptueuses et risquées, s’envoie des baisers — semble jouer, pour son profit personnel, une perverse et délicieuse comédie. — Cela dure assez longtemps ; puis la dame se sépare, comme à regret, de ses soies et de ses bijoux ; elle enlève soigneusement tout l’éclat emprunté dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage, range systématiquement en des tiroirs des quantités de boîtes et de flacons, et reparaît, quelque