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Oui, je vous vois encore. Et je vois aussi partir mon père, qui a obtenu le commandement de l’expédition du Garamaka, et qui n’a pu, à notre regret commun, me prendre pour officier d’ordonnance. Qu’on crie donc au népotisme ! Mais qu’on dise, surtout, quelle est la puissante influence qui s’est opposée à mon départ ! Il y a là un mystère que je cherche, sans succès, à éclaircir. D’ailleurs, je ne reste pas très longtemps à Paris, dans cette ville qui est devenue une sorte de sentina gentium et que secouent encore les dernières convulsions du boulangisme. Les adhérents de cette cause malheureuse ont vraiment un beau courage de s’évertuer dans la poussière soulevée par les pieds plats de tant d’imbéciles. Pourtant, il convient aussi de rendre hommage aux champions du parlementarisme ; l’audace de ces exploiteurs publics, sous la dénonciation permanente, sous l’insulte quotidienne et méritée, est sûrement belle à voir. Ils parlent, pour rétamer un peu leur popularité vertdegrisée, de ramener au Panthéon les os de Marceau, de Baudin et de plusieurs autres grands hommes ; ils parlent aussi de réduire à un an le service militaire des étudiants, fils de la bourgeoisie. Sous le régime de la loi de 1872, ces jeunes vauriens payaient 1.500 francs à l’État pour servir un an comme simples soldats ; à présent, avec un diplôme de n’importe quelle École, ils feront, sans rien payer, un an comme officiers. Un joli soufflet sur la face du soldat, sur celle du pauvre et même sur celle de l’officier. Mais le peuple français s’inquiète bien de la façon dont ceux qui devront le conduire au feu acquièrent leurs galons ! Il admire la tour Eiffel ; il savoure les délicieuses plaisanteries sur les parents de province que lui servent ses journaux comiques — les plus spirituels du monde, — plaisanteries qui seront conservées soigneusement et qu’on resservira en 1900. Paris a depuis longtemps perdu tout caractère ; mais il a aujourd’hui tant d’esprit que je