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C’est une chose, cependant, dont les époux Raubvogel bien qu’originaires des chères provinces, ne semblent pas se rendre compte. J’ai rarement vu faces plus épanouies que celles des heureux conjoints le jour d’ouverture de l’Exposition. Après tout, elle n’est pas si loin de nous, cette Exposition, que vous ne puissiez vous rappeler le Pavillon Alsacien-Lorrain avec sa décoration si artistique et si patriotique en même temps, avec ses salles de dégustation et de vente des produits nationaux, avec sa grande brasserie qui devint vite l’établissement à la mode, où le service était fait par des jeunes filles vêtues du costume d’Alsace, légères et charmantes et qui s’envolaient, pareilles à des fusées tricolores, vers les escaliers conduisant aux cabinets particuliers. Peut-être vous rappelez-vous quel fut le succès du Pavillon Alsacien-Lorrain ; peut-être même vous souvenez-vous de m’y avoir vu. Moi, en tous cas, je ne vous ai pas oubliés.

Je vous vois encore, courant d’un palais à un autre, hébétés et fourbus ; vous extasiant, dans la galerie des Machines, devant des monstres d’acier dont vous ne comprenez pas l’usage, et qui vous offrent vainement un bonheur dont vous ne voulez pas ; vous étonnant, dans le Palais des Beaux-Arts, devant des chefs-d’œuvre dont la signification et la beauté restent pour vous lettre close ; buvant et mangeant des choses très malsaines et très chères ; admirant très fort, à l’Exposition du ministère de la Guerre, les engins de destruction qui par-dessus tout vous intéressent, qui vous effrayent un peu et qui vous rassurent beaucoup ; passant du Pavillon Alsacien-Lorrain évoquant les provinces que l’Allemagne ne veut pas vous rendre, à cette rue du Caire qui évoque l’Égypte que l’Angleterre refuse de vous offrir.