Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caserné dans les ruines d’un couvent. La santé des soldats ne tarda point à se ressentir de ces installations hâtives. Mais cela est de peu d’importance.

Voici une chose plus intéressante : si la plupart des habitants de Malenvers, au moins au moment des élections, sont républicains, les deux régiments peuvent être remarqués, même dans l’armée française, pour leur esprit réactionnaire et clérical. Je parle des officiers ; les soldats, bien entendu, ont abdiqué, en endossant l’uniforme, tous les privilèges du citoyen et n’ont le droit ni de professer une opinion, ni même de l’avoir. Le colonel des dragons est un descendant d’émigrés ; la plus grande partie de ses officiers et même de ses sous-officiers appartient à des familles de traîtres, riches, bien-pensantes ; ces messieurs affectent de mépriser la République ; ces misérables affectent de mépriser le peuple. Le colonel consigne son régiment, en marque de deuil, le jour anniversaire de la mort de Louis XVI. Mon colonel à moi s’appelle Durandin. C’est plus qu’un plébéien ; je me suis assuré que son grand-père était aide du bourreau à Brest, pendant la Révolution. Honteux sans doute de cet honnête ancêtre qui eut la gloire de contribuer au raccourcissement patriotique de quelques centaines d’aristocrates, le colonel Durandin affiche une dévotion extrême et pose au gentilhomme. Il a rétabli en fait, dans son régiment, l’aumônier supprimé par la loi. Il a puissamment contribué au développement de l’œuvre de Notre-Dame des Armées que le colonel de dragons a installée à Malenvers. Les locaux affectés à cette œuvre sont devenus trop étroits. On vient d’inaugurer une nouvelle chapelle. C’est par la voie du rapport que les officiers ont été invités à assister à cette inauguration.

Comme je n’étais pas présent à cette cérémonie, qui fut, paraît-il, imposante, j’ai été fort mal noté. Les mauvaises notes, je pense, ne doivent point m’être épar-