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— C’est bien simple ! Il faut expliquer ce qui s’est passé, retirer ta plainte, et ne pas laisser condamner un innocent.

— Jamais de la vie ! Je serais propre !

— Si tu ne le fais pas, je le ferai sûrement.

— Eh ! bien, essaye ! hurle mon père. Si tu fais une chose pareille, je te renie ! Je te maudis ! Je fais plus : je te déshérite !

— Tu n’as pas le sou.

— Tu crois ça ?… Attends un peu, mon garçon, et tu vas voir ! Tu vas voir si je n’ai pas le sou. D’ici un an, tu m’en diras des nouvelles !… Ah ! réellement, continue-t-il en s’asseyant et en prenant sa tête dans ses mains, l’ingratitude des enfants est épouvantable ! Après tout ce que j’ai fait pour toi, mes sacrifices, mes conseils, les exemples que je t’ai donnés !… Ah ! nos vieux et chers sentiments familiaux, où sont-ils ? Où sont-ils ?…

— Mais, père, je ne comprends vraiment pas en quoi…

— Tu ne comprends pas ! Mais, malheureux, si je vais déclarer que j’ai commis une erreur, que j’ai fait incarcérer un innocent, j’attire l’attention sur mon nom. L’infâme presse boulangiste, toujours altérée de scandale, s’empare du fait ; je suis discuté, bafoué, insulté ; on me représente comme un misérable ou comme un imbécile, et je suis perdu. Que peut le ministre lui-même contre l’opinion publique déchaînée ? Rien. Je serais fichu, foutu, archifoutu. Et, après m’être tiré du mauvais pas dans lequel je m’étais engagé, j’irais me fourrer dans un pareil guêpier ? Tu n’y penses pas !

— Cependant, il est tout à fait impossible…

— Je ne veux rien savoir !… Je ne désire pas plus que toi laisser condamner un innocent, mais pourtant il faut que je tienne compte de ma situation spéciale. Voici donc ce que je ferai : au moment où Cornac passera devant le conseil de guerre, j’irai trouver le président et lui de-