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service un individu trop perspicace ; cet individu, justement parce qu’il les a servis, pourrait les desservir. Crois-tu, par exemple, que Camille Dreikralle tienne à voir Porchemart au ministère ? Si Porchemart avait été un peu moins retors et plus pratique, il m’aurait confié les papiers que j’aurais communiqués à Reinach, tout en représentant Porchemart comme le seul successeur possible de Boulanger. J’aurais monté un beau bateau aux parlementaires. Porchemart aurait été ministre. Et, comme don de joyeux avènement, il m’aurait fait cadeau de ma troisième étoile, qui met si longtemps à descendre de la nue que je commence à croire, ma parole d’honneur, que je n’ai jamais été à Nourhas !…

Je dois dire que la popularité du général Boulanger n’a point été affaiblie par son départ du ministère. L’enthousiasme qu’il excite est énorme ; soit que la nation espère beaucoup de lui, soit qu’elle sache pertinemment qu’il n’y a rien à en attendre ; soit qu’elle le considère comme l’un de ces hommes d’action dont l’heure doit nécessairement sonner, soit qu’elle le regarde comme un de ces impuissants dont la jactance seule est terrible et qui sont de vivantes garanties d’inaction.

L’impopularité du général Ferron, par contre, va croissant. Et aujourd’hui, 14 juillet, au lieu des délirantes acclamations qui avaient, l’année dernière, accueilli son prédécesseur, ce sont des imprécations et des hurlements qui retentissent sur le passage du ministre de la guerre. À Longchamps, tout le long de la route, à l’aller et au retour, l’injure pleut sur les membres du cabinet, parmi lesquels figure un ridicule mulâtre. Le spectateur de l’an passé est là, chauvinisme et saucisson compris, applaudissant le défilé prestigieux ; sa sœur qui aime les pompiers acclame ces fiers troupiers ; sa belle-mère bat des mains quand défilent les Saints-Cyriens ; il est gai, content, triomphant, le cœur à l’aise. Mais, sitôt la revue