c’est simplement un civil avec un panache. Pas plus de danger avec l’un qu’avec l’autre ; et c’est moins triste à regarder, moins banal et moins marmiteux. Allons-y !
Mais tout le monde n’y va pas. Les prébendés, les nantis, se rebiffent ; leurs amis et connaissances en font autant ; il y a aussi des gens à principes. Du côté militaire même, une grande opposition au boulangisme se produit. Mon père n’a pas encore tourné casaque, mais le général de Porchemart a repris courage. Il s’est remué énormément, a excité des jalousies et des défiances. Vous connaissez le résultat de la contre-attaque. Boulanger est obligé de quitter le ministère. La date exacte ? Je ne sais plus. Je n’ai pas l’intention de feuilleter de vieux almanachs. Ce doit être au mois d’octobre 1886. Deux souvenirs m’aident à donner cette date approximative. Le premier a trait à un événement qui précède la chute de Boulanger. Je veux parler de l’énorme manifestation à la statue de Strasbourg et à la statue de Jeanne d’Arc, mascarade tricolore où se firent remarquer, au premier rang, le cousin Raubvogel et sa femme vêtue en Alsacienne.
Le second souvenir se rapporte à un fait qui se produisit peu de temps après le départ du ministre populaire, et juste au moment où la classe 1886 allait rejoindre les drapeaux. Nous sortions du Bois, à cheval, mon père et moi, lorsqu’une bande de conscrits déboucha, en hurlant, d’une certaine rue. L’immense drapeau qui les précédait effraya le cheval de mon père ; il eut toutes les peines du monde à maîtriser sa monture qui se cabrait et cherchait à se dérober. À la fin, furieux, il s’écria :
— Bande de cochons ! Leur sacrée ordure de drapeau ! Ah ! les salauds ! Qu’ils tombent jamais sous ma coupe, et tu verras si leurs jours de salle de police font des petits !