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que j’appellerai le Militaire qui ne se bat pas. Je crois voir, encore, que moins le soldat se bat, plus il s’éloigne du peuple, de la Nation ; et qu’il ne reste en contact avec ses concitoyens que comme le garde-chiourme reste en contact avec les forçats.

Le Militaire qui ne se bat pas a pour mission particulière la conservation de la paix. Il est là pour maintenir les peuples dans l’apathie. Au lieu de grouper les hommes pour l’action, il les parque pour l’inaction. Les mains fortes qui servaient les démences élues — ah ! je me souviens des mains des dragons du colonel Gabarrot, dont les sabres coupaient les mains des Russes ! — les mains fortes qui servaient les démences élues et qui n’ont point su forger l’arme de liberté ont été enchaînées par le Calcul et la Ruse, sous l’œil froid du Militaire qui ne se bat pas. Oui, je le vois, le soldat pacifique est le complément nécessaire du voleur légal ; le militaire qui conserve la paix au lieu de la mettre en péril est indispensable au coquin qui fabrique les lois au lieu de les transgresser.

— Français ! s’écrient les Anti-Boulangistes, ne vous laissez pas entraîner dans des aventures. Prenez garde à la guerre ! Rappelez-vous que la paix est le premier des biens. Avec nous, pas de guerre ! Pas de Sedan !

Et maintenant, s’il vous plaît, que dit l’homme empanaché, à la belle barbe teinte en blond ? Il dit :

— Français ! je vous épargnerai la guerre. Pas d’aventures ! Quand on vous dit que j’ai des goûts belliqueux, on vous trompe. Tout ce que je rêve pour vous, c’est une République honnête. Honnête. Par conséquent, pacifique. Vive la paix ! Avec moi, rien à craindre. Pas de guerre !

Là-dessus, la France fait semblant de réfléchir et se tâte le pouls. Si l’on essayait de l’empanaché ? Pourquoi pas, puisqu’on est libre ; et que la liberté, c’est la possibilité de changer de maître ? Après tout, l’empanaché,