C’est une grande faute. Il ne faut abuser de rien, même des pires choses.
Le ministère de la Guerre est une sentine. Boulanger vit au milieu d’une population d’escarpes, de rastas, de grues, d’aigrefins, d’espions, d’imbéciles et de filous décidés à faire la France, à la tête ou à la dure. Tout ça grouille, gesticule, braille, minaude, bave, jacasse, espère, désespère, s’enthousiasme, se multiplie. Et pour base de cet échafaudage d’envies, de haines, de convoitises, de rancunes et d’appétits qu’érigea le Hasard, de ses doigts puants, il y a un Mot. Le Mot éternellement mystérieux, cabalistique, le Mot qu’on n’explique jamais, qu’il est criminel de chercher à définir. — Il y a le mot : Patrie.
— La Patrie ! La Patrie !
Chose curieuse, c’est aussi la Patrie que les adversaires du Boulangisme prétendent servir. Ils combattent la dictature menaçante au nom de la Patrie. « Nous avons le monopole de la Patrie ! » s’écrie la bande opportuniste qui, menacée dans ses privilèges et dans son existence même, s’apprête à faire face à l’attaque. Les opportunistes ont été renforcés par beaucoup de radicaux, furieux d’avoir été plaqués par l’homme dont ils voulaient jouer, et par les socialistes dont c’est la caractéristique de redouter tout ce qui peut porter atteinte à l’ordre de choses actuel. Et ces honnêtes gens, si honnêtes, font appel aussi aux plus purs sentiments du peuple, lui parlent de la Patrie et même de la République.
La République ? Les Boulangistes ne veulent pas autre chose. Ils veulent une République honnête, voilà tout. Raubvogel me l’affirmait hier. Vive la République ! Tel est le cri de M. de Mun, de M. de Mackau et de la duchesse. Et le nonce du pape, derrière leur dos, fredonne la Marseillaise. On est républicain, dans la boulange.