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drap écarlate, la nation française pouvait être déterminée à l’action par le prestigieux éclat d’une calotte rouge. Je vous répondrai que vous avez tort ; lorsque des gens sont trop lâches pour se sauver eux-mêmes, il ne faut point leur présenter de sauveur ; c’est simplement donner un nouveau prétexte à leur veulerie. Et puis, vraiment, est-ce là le rôle du parti radical ? Vous allez voir comment leur grand homme va les récompenser, les radicaux…

— Et que pensez-vous qui arrivera ?

— Rien. Du bruit, des sottises, du vent. Les opportunistes ne feront rien, les radicaux ne feront rien, Boulanger ne fera rien. La France, surtout, ne fera rien. Donc, conclut Schurke, ne vous inquiétez point de l’agitation qui se produit, qui va se produire. Elle est, et sera de plus en plus, superficielle, dérisoire. Ne craignez pas non plus qu’on vous demande des renseignements. On n’en a pas besoin. Tous les acteurs de la tragi-comédie qui commence s’espionnent entre eux, se vendent réciproquement, portent habit de deux paroisses et mangent à tous les râteliers. Il est inutile de se gêner. Et c’est au grand soleil qu’une cocotte, avant peu, va transporter le mannequin à barbe blonde du cerisier de Clemenceau dans le néflier de M. de Mun.



On ne me demande, en effet, de me livrer à aucun reportage spécial ; je m’étais donc trompé dans mes conjectures. Et la seconde partie de la prophétie de Gédéon Schurke se réalise rapidement. Le général Boulanger devient, de jour en jour davantage, l’espoir de la réaction et du cléricalisme. Mon père hésite à le suivre dans son évolution ; il s’y décide cependant en se ménageant, suivant son expression, des portes de sortie. Le général de Por-