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général pourvu d’un emploi catalogué ; il s’embusque dans des bureaux, parade aux revues, prépare des fêtes, règle des danses. Il est le héros des mamans à l’amabilité mûre et des demoiselles à écus auxquelles il faut des oiseaux tricolores pour picorer leurs cœurs en massepains. Et pas de danger, au moment critique du cotillon, que ces demoiselles marquent l’officier d’ordonnance du petit pompon… Vous savez.

Le général de Porchemart est charmant pour moi. Peut-être un peu trop. Je crois parfois découvrir dans ses manières quelque condescendance ironique. Cela m’ennuie. Le général, ainsi que tous les hommes qui ne se laissent pas deviner, exaspère. On est toujours tenté de se dire qu’ils n’ont réellement rien d’extraordinaire ; qu’ils ne valent pas mieux que les autres ; et cela, on ne peut pas se le dire.

Je vois grimacer autour de moi l’ambition grotesque, odieuse ou naïve d’un grand nombre de jeunes officiers pourvus d’emplois analogues au mien ; l’ambition militaire, telle que je l’ai trouvée au régiment, mais avec des espoirs moins chimériques et des succès plus fréquents. Et je me demande pourquoi le général de Porchemart, ayant subitement besoin d’un officier d’ordonnance, ne l’a pas choisi parmi ces jeunes gens dont beaucoup le poursuivaient de leurs sollicitations, je le sais, et est venu me chercher. Afin de faire plaisir à mon père ? C’est douteux… Je finis par trouver. Le général de Porchemart veut m’avoir auprès de lui, parce qu’il espère savoir par moi, grâce aux indiscrétions de mon père, ce qui se passe autour du général Boulanger ; et mon père, de son côté, compte que je le tiendrai au courant des faits et gestes du général de Porchemart, que le ministre a intérêt à surveiller. C’est certain ; absolument évident. Le général de Porchemart, personne n’en doute, est l’homme des opportunistes ; et chacun sait