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fortune-là ! Les infamies de toutes sortes qu’elle représente encore, qu’elle représentera demain ! Les cupidités, les égoïsmes, les conspirations sordides, les vilenies, les crimes — pires peut-être que ceux dont a été coupable ce malheureux, que celui dont il fut victime… Allons, j’en parle déjà au passé…

Et maintenant, pourquoi cet homme va-t-il mourir ? Parce qu’il a manqué à l’honneur ; à l’honneur de l’armée. Cet honneur de l’armée, il l’a incarné jusqu’ici, pendant plus de trente ans ; il l’a affiché, plastronnant, comme il exhibe encore à présent, à la boutonnière de sa redingote, la rosette de la Légion fameuse. Et tout le monde savait ce qui se cachait derrière ce déploiement d’honneur. Tout le monde. Et ce vice à culotte de peau, boursouflé d’ignorance et de sottise, ce vice à panache et à décorations, incarnait l’honneur de l’armée. Et il l’incarnait jusqu’à ce que l’ombre du policier, grassement payé pour faire son devoir, se fût projetée sur les grosses épaulettes, et eût fait apparaître en caractères éclatants un nom d’infamie qu’on affectait de ne pouvoir lire dans l’étincellement des dorures.

Une voiture de blanchisseur frôle le fiacre, est près de l’accrocher. Le général sort brusquement de sa rêverie, regarde autour de lui avec ahurissement ; il grognonne, tousse, et prend le parti de m’adresser la parole.

— Lieutenant Maubart ? Fils du général ? Bonne chose, ça, fils de général ; soldat, fils de soldat, excellent. On vous inculque de bonne heure les grands préceptes de droiture, de fidélité au devoir et au drapeau, d’obéissance nécessaire. Indispensable, tout ça. Voilà la conviction de ma vie entière ; et je vais le prouver. L’honneur, le sentiment de l’honneur, c’est la base de tout. Vous avez un bel avenir ouvert devant vous, jeune homme ! L’épaulette…

Horrible, ce pédéraste conventionnel et bien-pensant moralisant encore au bord du tombeau. En un pareil