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n’est lasse de rien ; et il y a des brasseurs d’affaires qui en redemandent. Il se pourrait bien que, grâce à certaines influences, j’obtienne bientôt le commandement d’une de ces expéditions ; je te prendrais avec moi. Ou bien, dans le cas où — ce qui est fort possible, et nous en reparlerons — dans le cas où une réaction patriotique et revancharde se produirait contre le mouvement d’expansion coloniale, je trouverais bien le moyen de te dénicher un bon poste. En attendant…

Un officier qui, de la part du ministre, vient chercher mon père, interrompt notre conversation. Mon père me demande de l’attendre et sort. Et je reste livré à mes réflexions ; réflexions, commentaires sur ce que je viens d’entendre, comparaisons entre l’armée que m’a représentée mon père, l’armée que je connais, et l’armée que j’ai rêvée autrefois, très autrefois…

Mon père revient, l’air affairé ; il presse le bouton d’un timbre : un capitaine paraît bientôt, la main au képi.

— Capitaine, veuillez m’envoyer de suite le lieutenant Boisselle.

— Mon général, il vient justement de partir pour la Place.

— Alors veuillez m’envoyer le lieutenant de Ressonne.

— Mon général, il était un peu souffrant et vient de sortir.

— Alors, quoi ? Personne ? Après tout… Merci, capitaine. J’ai mon affaire.

Le capitaine disparaît et mon père se tourne vers moi.

— J’ai besoin d’un officier correct et discret pour une mission très délicate. L’idée me vient de t’en charger. Ce n’est pas fort amusant, mais cela peut servir à te mettre bien en cour. Tu es justement en civil ; ça va bien. Voici de quoi il s’agit : il y a un bonhomme à suicider. Ne saute donc pas comme ça ! Je vais te dire le nom. C’est le général duc de Schaudegen. Un grand nom,