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que je suis fier d’avoir un père conscrit dans ma famille.

Si le désastre de Lang-Son a été utile à Delanoix, pourquoi ne me servirait-il pas aussi à moi ? Pourquoi ne me donnerait-il pas le moyen de mettre un terme à la monotonie de mon existence ? On va envoyer des renforts au Tonkin et je me décide à demander à en faire partie. Mon capitaine cherche à me faire changer d’avis ; c’est un homme triste, sceptique, désabusé, qui fut marié par une agence et qui découvrit le lendemain que sa femme était loin d’être aussi riche qu’on le lui avait affirmé ; ayant été « volé » par son mariage, il ne croit plus en rien. Mon lieutenant combat aussi ma résolution ; c’est un garçon très riche, fils de général de division, officier amateur qui passe, tous les ans, cinq ou six mois en voyages de noces. Malgré tout, ma décision est bien prise. Cependant, plutôt pour la forme, j’écris à mon père afin de lui demander son opinion. Je reçois, en réponse, un télégramme qui m’appelle à Paris immédiatement.



Pendant mon voyage d’Angenis à Paris, j’ai eu le temps de me demander pourquoi mon père réclamait si impérieusement ma présence dans la capitale. À la hauteur de Nogent-le-Rotrou, j’ai trouvé. Mon père s’est arrangé de façon à me faire prendre comme officier d’ordonnance par l’un des deux ou trois généraux qu’on va envoyer en Indo-Chine : le général des Nouilles ; et il tient à me présenter au plus tôt à cet excellent tacticien. Allons, ça ne va pas mal ; me voilà sûr de mon avancement ; et je me mets à rêver tout éveillé…

Mais, à Paris, c’est une autre histoire. Mon père, dès que je pénètre dans son cabinet, — car je suis arrivé vers deux heures de l’après-midi et j’ai couru de suite au ministère, — mon père, dis-je, me rit au nez, et me