XII
Je me souviens parfaitement que mes premières sensations, à Nantes, furent dominées de haut par l’ennui et le désappointement. Je sais aussi que les premières impressions que me donna la vie militaire peuvent trouver leur somme en ces deux termes : monotonie et vulgarité, qui eux-mêmes, se résoudraient facilement en celui-ci : néant. Par son côté strictement soldatesque, l’existence de l’officier ne présente qu’un intérêt très relatif au moins en temps de paix ; elle se rapproche, non pas même de celle du professeur, mais de celle du pion ; la caserne étant surtout, de même que l’école, une fabrique de servilité.
Il ne m’a pas déplu, certes, au début, d’être pris, au sérieux par mes subordonnés et même par mes chefs ; de pouvoir m’affirmer comme homme. Mais je n’ai pas tardé à constater le peu de valeur de notre raison d’être à tous, supérieurs et inférieurs ; et à reconnaître que je n’étais qu’un automate dont la fonction consistait, une fois remonté, à remonter d’autres automates. Obéir et commander, ces deux infinitifs autour desquels les épaulettiers accomplissent leur promenade en queue de cervelas, ne me semblaient ni d’une infinie grandeur ni d’une infinie beauté. Quant à de l’amour et à de l’admiration