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Mon père rougit légèrement, hésite un peu.

— À peu près… À peu près… Une heure. Une bonne heure… Vous comprenez, c’est déjà si loin !…

— Oh ! ces héros ! glapit la femme-peintre. Quel courage, et quelle modestie ! Des âmes d’enfants dans des…

Elle s’arrête à temps.



Mon père, lui, n’a pas dû s’arrêter ; car je m’aperçois bientôt, à la prospérité soudaine de sa situation financière, qu’il est dans les meilleurs termes avec la femme-peintre. Je dois dire que moi aussi je suis devenu l’un des familiers de Mme Glabisot. Son mari m’a pris en grande amitié et a entrepris de parachever mon éducation patriotique. Bien que je méprise ce Gaulois et que je juge à leur juste valeur ses tirades revanchardes, il est parvenu, je ne sais comment, à me faire partager ses sentiments tricolores et à m’imprégner de son chauvinisme. La maladie n’a pas duré longtemps, mais elle a duré quelque temps. J’ai été parader avec les Glabisot, les Raubvogel et les gueulards des Ligues imbéciles à la statue de Strasbourg. La méditation m’a guéri ; la méditation forcée. Mme Glabisot, en effet, m’a demandé de vouloir bien poser pour un jeune officier qui figure dans son tableau de la Défense de Nourhas ; j’ai été forcé de m’exécuter. L’immobilité des poses m’a conduit à réfléchir. J’ai compris, définitivement, combien sont ridicules et couardes ces manifestations patriotardes qui masquent mal la décision irrévocable de la France d’accepter, coûte que coûte, les faits accomplis.

Et comment ces faits s’accomplirent, je me sens pris de l’idée de le savoir. Grâce à ma connaissance de l’allemand, il m’est facile d’étudier, plus sérieusement qu’on ne le fait d’ordinaire, l’histoire vraie de 1870. Et je ne tarde pas à me convaincre que la première partie des défaites