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justement avec Monsieur votre père, lui ouvre toutes les portes du ministère de la guerre. Qu’en dire de plus ? Qu’elle trafique de dispenses, d’exemptions, de congés militaires ? En régime démocratique, ce sont là péchés véniels… Puisque nous parlons de la démocratie, je dois vous dire deux mots de l’un de ses plus éminents serviteurs, M. Camille Dreikralle. Ce député n’est pas beau, comme vous pouvez le constater, mais il est assez habile pour s’être réservé depuis plusieurs années le rapport du budget de la guerre. Ce que cela lui vaut, je vous le laisse à deviner ; croyez, en tout cas, que c’est préférable à une ferme en Normandie.

— J’imagine en effet…

— N’imaginez rien. Attendez un peu, et vous verrez. Les terribles leçons de 1870 n’ont porté aucun fruit. On dit que l’expérience instruit les imbéciles ; mais les Français ne sont pas des imbéciles, car l’expérience ne les instruit pas. Tenez ! Voilà deux ou trois vieux généraux là-bas, papillonnant autour de Mme  Raubvogel ; vous savez de quels désastres ils furent les artisans ; vous voyez de quel respect et de quelle adulation ils sont l’objet ; et pas seulement ici ; partout. Parler de leurs défaites, de leur incapacité, de leurs trahisons, serait vouloir se faire lapider. « Ce sont des choses, disait l’autre jour un journal, sur lesquelles il est de bon goût de faire le silence. » De bon goût !… Et tout ce monde-là, je n’ai pas besoin de vous le dire, va manifester devant la statue de Strasbourg, le 28 septembre, le 14 juillet, à d’autres dates encore. Ma patronne, en grand costume d’Alsacienne, mène la danse, escortée à gauche de son mari, volontaire de 1870 comme vous savez, et flanquée à droite de M. Glabisot, patriote qui passa l’année terrible en Belgique. La France est assez riche pour payer sa gloire ; elle l’est même assez pour payer sa honte, voire sa sottise. Une riche nature, la France ! Voilà encore des types