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et de renoncer à exiger le remboursement des 500,000 fr. Faut-il vous dire que les fraudeurs, dans leur joie de se voir quittes à si bon compte, oublient une somme rondelette sur la table du Conseil ? M. Glabisot a sa part, mon patron a sa part, M. Delanoix a sa part, tous ces messieurs ont leur part. Les contribuables…

— Que disent-ils ?

— Ils ne savent rien ; donc, ils ne disent rien. Il est vrai qu’ils pourraient savoir. Mais ils préfèrent crier : Vive la France ! Ils préfèrent lire le journal Lutèce, commandité par le gouvernement et M. Raubvogel, dirigé par M. Ganivais, voleur, fils de voleur, qui ignore l’orthographe, et rédigé par M. Pronc, dégoûtant raté qui met aux enchères son honnêteté douteuse et considère la République comme sa propriété particulière ; ils préfèrent lire le Petit Journal, jouer aux cartes, se faire cocus et se soûler. M. Dufour-Hagalon est magistrat ; est-il nécessaire de vous apprendre ce que c’est, à part de rares exceptions, qu’un magistrat français ?

— Non ! Non !

— Je suis heureux de voir que vous n’avez pas encore perdu toute foi en la Justice, puisque vous ne voulez pas entendre parler des gens qu’on paie pour la rendre. Ce Dufour-Hagalon, vous le voyez, n’est plus qu’une ruine, un débris ; simple particulier, il serait inoffensif, un gaga bénévole ; juge, il est simplement terrible. Ses vices honteux, qu’exaspère l’âge, l’ont placé sous la domination absolue de sa femme, qui pourvoit elle-même aux passions de son mari et lui procure les enfants qu’il aime comme les aimait Tibère. Ce vieillard infâme est donc devenu un instrument docile aux mains d’une femme avide d’argent qui lui fait faire la quête, au su de tout le monde, dans les plateaux de la balance de Thémis. Pourquoi Mme  Dufour-Hagalon a-t-elle besoin d’argent ? Pour s’offrir des admirateurs. La réalisation de ses désirs ne