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voulu lui demander de lui accorder quelques séances ; et il ne sait quel parti prendre ; sa modestie est mise vraiment à une bien rude épreuve.

— Général ! s’écrie M. Glabisot, vous devez à vous-même, vous devez à la Patrie, de ne point refuser. Le devoir de l’Art, devoir sacré, est d’immortaliser des actes comme celui dont vous fûtes le héros. Et vous ne pouvez vous dérober au devoir, devoir sacré aussi, de léguer vos traits à la postérité. C’est dans la contemplation de vos mâles exploits, retracés par un pinceau fidèle, que les générations futures apprendront que, si nous fûmes vaincus, ce ne fut pas sans gloire ; et qu’elles puiseront l’énergie nécessaire à la prochaine revanche !

— Votre éloquence est entraînante, répond mon père ; et si vous parlez de la revanche, vous finirez par me convaincre.

— Je l’espère bien ! s’écrie M. Glabisot, enchanté. Toute la grandeur de la France, voyez-vous, est là…

Et il touche le sabre qui me pend au côté, un beau sabre qui me fut apporté, hier, de la part de Mme Raubvogel. C’est justement chez le cousin Raubvogel que nous allons dîner ce soir, M. Glabisot, mon père et moi. Le coupé de M. Glabisot nous attend. Nous partons.



Je ne vois pas la nécessité de décrire minutieusement le dîner offert par le cousin Raubvogel en l’honneur de ma promotion ; ni de rappeler les différents toasts portés à mon avenir et à la grandeur de la France ; ni de répéter les propos tenus à table, lieux communs, médisances, étonnements, admirations et critiques de commande — tout le verbiage de gens décidés à jacasser pour ne rien dire. — Vous annoncer que le cousin Raubvogel a fait fortune, et qu’il vit aujourd’hui sur un grand pied, ne serait