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que la race française n’était plus une race guerrière ?

Nous sommes pleins d’enthousiasme, mes camarades et moi, lorsque nous pénétrons, au mois de novembre, dans la grande demeure. Nous avons hâte d’endosser l’uniforme et, melons que nous sommes, de répéter ces vers héroïques et traditionnels :

« À nous, cette mêlée ardente. — À nous, cette plaine sanglante, — À nous la gloire et le trépas, — À nous ces nuages de poudre, — À nous les éclairs de la foudre, — Et la volupté des combats. »



Mon enthousiasme a passé rapidement. De l’enthousiasme !… Je n’arrive même pas à comprendre pourquoi on nous oblige à demeurer deux ans à Saint-Cyr. Est-ce pour nous enseigner l’Art de la guerre ? Mais qu’est-ce donc que cet Art de la guerre qu’on dit aujourd’hui si savant et si complexe ? N’est-ce pas simplement l’Art de la Destruction ? Et est-il donc nécessaire à un homme, afin de devenir un bon destructeur, de consacrer deux ans de sa vie à l’étude théorique de la dévastation ? Je ne m’explique pas qu’on ne nous envoie point, plutôt, passer ces vingt-quatre mois parmi des tribus sauvages que nous pourrions massacrer à l’aise, ou parmi des populations laborieuses et d’esprit révolutionnaire que nous pourrions mettre à la raison. Ce serait là un excellent moyen, le seul, de nous permettre de nous faire la main.

S’il faut détruire, s’il faut maintenir, comme agents de l’existence sociale, la ruine et la mort, pourquoi ne pas simplifier l’art de la tuerie, au lieu de le compliquer ? Et c’est seulement à la complication que pousse le développement continuel de la soi-disant Science militaire. La guerre, par suite de l’intrusion de la Science dans le carnage, — intrusion dont les Intérêts ont vite appris à