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Je n’ai pas beaucoup le temps de réfléchir ; mais s’il m’arrive parfois de jeter un coup d’œil sur la route que j’ai choisie et que je devrai suivre, et de me questionner moi-même sur les avantages et les désavantages de mon choix, je dois dire que je ne regrette jamais, en définitive, le parti que j’ai pris de propos plus ou moins délibéré. Quand je compare l’état militaire à tous les autres métiers, à celui du paysan, de l’ouvrier, de l’employé, du fonctionnaire civil, du juge, du financier, du politicien, et à tous ces métiers que la Société n’admet pas, mais qu’elle crée, il m’est impossible de voir en quoi la profession de soldat peut leur être inférieure. Le raisonnement me démontre, au contraire, qu’elle leur est supérieure.

Il me semble que tous les êtres qui constituent la Société, hommes, femmes et même enfants, exercent des métiers ; hormis deux catégories d’individus dont l’action sociale ne peut se classifier comme métier, mais seulement comme état. Ces individus sont les militaires professionnels et les prêtres.

L’existence des êtres qui exercent des métiers est tellement terne et abjecte, tellement opposée à toute manifestation libre de force morale et de vigueur physique, que ces pauvres gens mourraient d’ennui et de désespoir, crèveraient de la nostalgie de leur virilité, s’ils ne pouvaient se donner, de temps en temps, le spectacle décevant et pompeux, l’illusion éblouissante et tapageuse des forces mentales et matérielles de la réalité desquelles le Mensonge Social les châtra.

Cette illusion leur est fournie par les deux classes d’individus qui n’exercent pas un métier, mais qui ont un état.

Tous les dimanches, dans cent mille églises, des hommes, des femmes et des enfants prient, chantent, pleurent, s’agenouillent, dans le vieil esprit du Moyen-Âge ; cherchent à s’imprégner, en dépit de leur connais-