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maison où mon grand-père et ma grand’mère sont morts. Cette maison a fait partie de mon lot lors de la division de l’héritage qu’ont laissé mes grands-parents. Mon père, qui est mon tuteur, a toujours prétendu avoir défendu mes droits avec acharnement, à cette occasion, contre la rapacité toute prussienne de mon oncle Karl. Il veille sur ma fortune avec un soin jaloux ; et la fait valoir habilement, mais prudemment. C’est, dit-il, un dépôt sacré ! Je n’ai jamais cru beaucoup à la rapacité de mon oncle, qui s’est fait représenter dans cette affaire par un homme de loi ; mon père a fréquemment insulté l’homme de loi, disant qu’il était vraiment honteux pour un Français de se faire le factotum d’un Allemand.

Je reste donc seul à Versailles, sans foyer et sans famille. Mon père ne m’invite guère à Saint-Denis qu’une ou deux fois par mois ; d’ailleurs, je n’aime pas beaucoup voir ma belle-mère. Cette pauvre créature inoffensive prend, de plus en plus, l’aspect d’une victime. Mon père semble la traiter en quantité négligeable. Et Lycopode elle-même affecte de ne la tolérer que par pitié. Elle me met la mort dans l’âme. Je comprends que je l’intimide, et je me sens vaguement gêné devant elle. Elle paraît ne savoir ni que dire, ni que faire ; on la prendrait pour l’indécision incarnée.

Cette impression est justement celle que donne la France, à présent. Je puis citer un fait qui fera comprendre l’incertitude politique de cette période que caractérisent le 16 mai, le mouvement des curés et des évêques, les 363, l’agitation en faveur de Pie IX, l’acte du major Labordère et les discours de MM. de Fourtou et Gambetta. Mon père, en quittant Versailles, m’a donné pour correspondant M. Curmont, qui est à la tête du parti républicain versaillais ; et il m’a confié, en même temps, aux bons soins de l’abbé Portelange, un prêtre qui est au mieux avec les chefs de la réaction. Deux sûretés