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laises dans la capitale. Deux balles de chassepot lui avaient troué la poitrine. Le plus curieux, c’est que le quartier était justement occupé par la brigade de son mari. Toute balle, dit-on, a son billet. On ne sait pas toujours qui a signé le billet… J’ai entendu dire que le général et mon père avaient été débarrassés, en même temps, l’un d’une femme compromettante, l’autre d’une maîtresse gênante.

Quoi qu’il en soit, ils sont, à présent, dans les meilleurs termes.

— Je ne vous comprends vraiment pas ! s’écrie le général. Que pouvez-vous avoir à craindre ? Comment voulez-vous qu’on ait même l’idée de rétrograder le héros de Nourhas ?

Mon père paraît flatté, mais peu convaincu. Quelquefois, il dit que, justement en raison de son action d’éclat, il a tout à redouter. D’autres fois, il dit qu’il n’a rien à craindre. D’abord, il a été blessé. Ça, c’est vrai. J’ai vu la cicatrice, une petite cicatrice au bras, qui aurait pu être dangereuse.

— De plus, dit-il, j’ai aussi reçu ce coup de pied de cheval, qui peut compter pour une blessure. Du reste, il ne faudrait pas m’embêter ; j’en sais long. Il y a des blessures de maréchaux, reçues à Sedan, qui n’ont pas laissé beaucoup de traces. Et si je voulais parler d’autres personnages, de certains amiraux filant sur la Belgique…

Et puis, ses appréhensions le reprennent.

En fait, il n’a peut-être pas tort de s’alarmer. La Commission est très sévère. Dernièrement, elle a eu à se prononcer sur le cas d’un officier qui, chef de bataillon au début de la guerre, avait été créé général de division sur le champ de bataille. Cet officier avait été victorieux dans le seul combat de toute la campagne où les Français remportèrent sur les Allemands un succès réel. La Commission a rétrogradé le général jusqu’au rang de lieutenant-colonel. Le général a brisé son épée et donné sa démission.