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Je ne raconterai pas ici la lutte de l’armée de Versailles, armée des honnêtes gens, contre l’armée de la Commune ; ni la répression qui suivit cette lutte. Je me contenterai de dire que, dans l’une et dans l’autre, mon père se fit remarquer.

Quant à moi, étant donnée la façon dont j’ai été élevé et le milieu dans lequel je vis, il est évident que je trouve justifiée, et même naturelle, la conduite du parti de l’Ordre. Je considère comme des hauts faits les actes du général de Galliffet qui supprime sommairement les perturbateurs, du capitaine Garcia qui réussit à extraire Millière du sein de la société, du capitaine Desmarets qui remporte sur Flourens une victoire mémorable, et du lieutenant Sicre qui capture la montre de Varlin. Les massacres de Paris, l’arrivée à Versailles des communards prisonniers qu’on parque à Satory ou à l’Orangerie, les Conseils de guerre, les fusillades, ne m’émeuvent que médiocrement. Les communards, à mon avis, n’ont que ce qu’ils méritent. Pourquoi se révoltaient-ils ? Est-ce qu’on s’est révolté à Versailles ? Alors ?… Dans tout cela, il n’y a qu’une chose qui m’étonne, et que je cherche vainement à m’expliquer : pourquoi Jean-Baptiste a-t-il déserté et s’est-il joint aux insurgés ? Il avait sans doute une raison. Laquelle ? Et surtout, qu’est-il devenu ?

Lycopode, que je trouve toute en larmes, un après-midi, me l’apprend. Il est mort. Il vient d’être fusillé à Satory. Fait prisonnier à Paris, parmi les derniers défenseurs de la Commune, il a été conduit à Versailles ; jugé ; condamné à mort. Mon père a figuré au procès comme témoin ; témoin à charge. L’exécution a eu lieu hier matin. Je pense que Jean-Baptiste a dû mourir courageusement — comme un homme à poil.