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mécontent quand il a appris que mon oncle avait passé trois mois ici ; et il a cherché maintes fois, indirectement, à savoir si mon oncle nous avait fait le récit détaillé de ses campagnes. Ma grand’mère a toujours répondu négativement. J’ai ajouté que mon oncle avait seulement parlé de Jean-Baptiste ; et qu’il avait dit qu’il était à présent sous-officier, et très brave.

Mon père a haussé les épaules, déclarant ignorer même où son ordonnance avait pu passer. Et j’en ai conclu que mon oncle avait du se tromper, et que Jean-Baptiste, s’il vit encore, ce que je lui souhaite, n’est pas plus sous-officier que moi.



Mais si, il est sergent ! Il n’y a pas à en douter. Voilà le galon d’or à son képi et les sardines sur les manches de la vieille capote décolorée et rapiécée qu’il a portée pendant la campagne et la captivité. Il vient d’entrer dans le petit jardin qui précède la maison et où je suis en train de jouer. De l’avenue, il m’a aperçu et n’a pu résister, dit-il, au plaisir de venir me voir. Ah ! que je suis content ! Et nous nous serrons les mains, et nous parlons tous deux ensemble, et Jean-Baptiste s’écrie que j’ai grandi et que j’ai tout à fait l’air d’un homme à poil, et je m’étonne, avec des battements de mains, de le voir sous-officier. Comme mon père va être content de le retrouver ! Y a-t-il longtemps qu’il est revenu ?

Non, ce matin, 19 mars, seulement. On l’a renvoyé d’Allemagne avec beaucoup d’autres soldats, parce qu’il se passe des choses à Paris, des choses que Jean-Baptiste m’explique d’une façon tellement embrouillée que je ne peux pas comprendre. Il parle de traîtres, de Bazaine, de cochons vendus, de capitulards, d’un tas de choses et de gens que je ne connais pas. Ça ne fait rien, nous finirons