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En vérité, ce qui s’est passé, revers, déroutes et capitulations, semble au peuple français absolument naturel, normal ; on ne dirait pas qu’il ait jamais espéré, au fond de l’âme, un autre dénouement. Quant à moi, devant l’imperturbable assurance, devant la présomption ingénue que nos officiers paraissent avoir rapportées, intactes, des forteresses allemandes, je me prends à douter de la réalité de nos désastres ; je me demande s’ils ont été aussi complets, aussi irrémédiables, que les Prussiens ont voulu nous le faire croire. Mon père, auquel j’expose mes doutes à ce sujet, se met à rire.

— La France, dit-il, a été battue à plate couture ; son désastre est sans analogue dans l’histoire moderne. Garde cela pour toi, bien entendu, et dis le contraire à l’occasion. Mais c’est la vérité.

Et comme je demande quelle a été la cause de nos défaites, il répond :

— C’est l’existence des pékins. Une nation ne peut pas subsister, en temps de guerre, si l’élément civil a la moindre influence sur ses destinées. La première partie de la guerre a été désastreuse, parce que le gouvernement impérial, par crainte des pékins braillards qu’il aurait dû faire fusiller, n’a pas pris les mesures que nécessitait la situation ; la seconde partie de la guerre a été désastreuse, parce que ces pékins nous commandaient.

Les pékins, cependant, ne semblent pas soupçonner la mauvaise opinion qu’ont d’eux les officiers. Ils leur font fête. Ils les complimentent et déclarent les admirer. C’est ainsi que M. Curmont, à la nouvelle du retour de mon père, s’est empressé de venir lui présenter ses hommages. Ayant été mis au courant du fait, j’ai cru devoir informer mon père de la scène qui avait eu lieu à son sujet, quelques jours après son départ, entre M. Freeman et M. Curmont. Mon père a pâli de rage ; il s’est levé