pas les cinq francs que je lui ai donnés. Même, je me rends compte que j’aurais voulu parler plus longtemps avec lui. Il y a tant de choses que je ne m’explique pas et que je voudrais comprendre ! Je me souviens des questions que j’ai posées il y a quelques mois, à Adèle Curmont, et auxquelles elle n’a pu répondre. Les réponses de Schurke, au lieu de me satisfaire, ont évoqué devant mon esprit tout un monde de questions nouvelles. Je ne sais ni que croire, ni que penser. Je me sens tourmenté, mal à l’aise, un peu honteux, et plus pour les autres que pour moi-même. C’est comme si une série d’événements, des faits racontés, des actes vus, des phrases entendues, des paroles surprises, avaient tiré hors de moi quelque chose qui, je le sens, va me quitter de plus en plus. J’ai su depuis les noms de ce quelque chose : la confiance et la sincérité.
J’éprouve, malgré moi, une grande satisfaction à voir Delanoix et les époux Raubvogel quitter Versailles. Ils partent pour le nord de la France. Ils promettent à ma grand’mère de faire tous leurs efforts pour avoir des nouvelles de mon père ; en tout cas, ils écriront le plus souvent possible. Je pense que ces lettres me permettront peut-être de satisfaire la curiosité, mélangée de soupçon, qu’ils m’inspirent.
Mais des nouvelles importantes, que nous donne le colonel prussien qui loge chez nous, viennent distraire mon attention. Metz a capitulé… Les Allemands, par des réjouissances et des illuminations, célèbrent leur triomphe. Le colonel est d’avis que la guerre touche à sa fin ; la continuer serait, de la part des Français, pure folie. C’est aussi l’opinion du Feldmarschall von Moltke qui a donné, le 27 octobre, l’ordre d’interrompre le transport du matériel d’artillerie de siège. Cet ordre a causé, chez plusieurs hauts personnages, particulièrement Bismarck et von Roon, une indignation profonde. Ils par-