ment loin dans cette voie qu’ils se sont mis à respecter très fort ma grand’mère, qu’ils insultaient il y a quelques jours. Ils ne l’appellent plus : vieille Prussienne. Ah ! mais, non ! Maintenant que les Prussiens sont les maîtres, on ne saurait montrer trop de déférence aux personnes qui parlent allemand. On témoigne donc à mon aïeule une vénération sans égale.
L’estime générale pour ma grand’mère s’est même accrue hier, lorsque le bruit s’est répandu qu’un colonel allemand était logé chez nous. Ce bruit mérite confirmation. Ce colonel fait partie du Grand État-Major ; c’est un homme charmant, qui ressemble pas mal à mon oncle Karl que, d’ailleurs, il connaît très bien. Mon oncle est maintenant devant Metz ; nous avons reçu ce matin une lettre de lui ; et ma grand’mère, qui n’avait pas eu de ses nouvelles depuis longtemps, a été bien heureuse. Moi aussi, j’ai été content ; et je le serais plus encore si nous avions des nouvelles de mon père. Depuis la lettre où il nous annonçait qu’il était évacué sur l’hôpital de Chartres, nous n’avons rien reçu de lui ; nous ignorons où il se trouve : à Chartres, à Paris, ou ailleurs. Ah ! que je voudrais que cette guerre fût terminée ! Le colonel parle souvent avec ma grand’mère, et lui donne des nouvelles. Malheureusement, il ne peut pas se prononcer quant à la durée possible de la guerre.
Il dit que le Feldmarschall von Moltke croit à la paix prochaine ; le maréchal est persuadé que, pour la fin d’octobre, il pourra chasser le lièvre à Kreisau. L’autre jour, il s’exclamait sur la beauté de l’automne qui teint d’or et de rouge les feuilles des arbres ; il parlait de son domaine, aux pelouses duquel les pluies récentes ont dû faire grand bien ; de ses plantations de jeunes arbres. Il aspire au repos et croit que la résistance des Français touche à sa fin.
Dès le lendemain de la bataille de Sedan, la marche