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L’ABBÉ.

Je ne me souviens de rien. (Après un silence.) C’est égal, j’ai plaisir à me retrouver ici ; d’autant plus qu’on peut avoir besoin de mon ministère.

MARIE.

Ah ! pour ça, non, monsieur le curé. Ces païens-là mourraient bien trois fois de suite sans demander à voir la couleur d’un crucifix. Si vous aviez pu les contempler comme moi, ces jours-ci, ivres-morts, blasphémant le saint nom du Seigneur… Une armée de Barrabas… Et penser qu’ils ont tous fait leur première communion ? Ça ne les gêne guère, allez ! Toute la journée, hier, on s’est battu dans la rue ; la barricade, un peu plus bas, n’a été emportée que ce matin. Il n’y a guère qu’une heure que le combat a cessé et qu’on n’entend plus rien ; les communards tiennent encore le haut du quartier et le Père-Lachaise, et l’armée régulière est redescendue vers les boulevards extérieurs, je ne sais pas pourquoi.

L’ABBÉ.

C’est pour tourner la position des insurgés.

On entend le tambour qui bat la générale, et le tocsin.
MARIE.

Entendez-vous ? Entendez-vous ? Ils se servent des cloches de l’église pour sonner le tocsin !

L’ABBÉ.

Oui… ces pauvres cloches qui ne devraient appeler qu’à la prière et qui appellent au massacre ! Oh ! c’est lugubre, cette lutte sans merci entre Français, entre frères. Ah ! ma pauvre Marie, dans les quartiers que j’ai traversés tout à l’heure, quel spectacle