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étions couchés côte à côte, dans une ambulance… une grande tente dont la toile était crevée… je vois encore ça d’ici… D’abord, nous nous disputions comme des enragés. Mais nous avons fini par nous entendre, et de tout cœur, quelque temps avant sa mort. C’était fatal, vous comprenez. Il cherchait un idéal : moi, je l’avais.

L’ABBÉ.

Et quel est votre idéal, monsieur de Ronceville ?

MONSIEUR DE RONCEVILLE.

La justice. Le mot vous paraît gros, n’est-ce pas ? En politique, il se traduit par celui-ci, qui est plus simple : une trique.

L’ABBÉ.

Une trique ?

MONSIEUR DE RONCEVILLE.

Mon Dieu, oui. Au XIXe siècle, ça a l’air ridicule, de dire : un sceptre. On démocratise tout. Une trique !…

On entend le bruit du combat.
L’ABBÉ.

Ah ! monsieur de Ronceville, on s’est peut-être trop servi de la trique ; je crois, moi, qu’il eût mieux valu… La souffrance est mauvaise conseillère… Personne n’est infaillible, voyez-vous… Les rois aussi sont sujets à l’erreur…

MONSIEUR DE RONCEVILLE.

Peut-être. Le roi peut se tromper. Dieu même peut se tromper. Moi, royaliste, vous, prêtre, nous ne devons pas le savoir. Si j’avais vécu sous la Terreur,