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chain, tu verras rentrer les détachements. Seulement, je ne sais pas comment celui de Sandouch s’y prendra pour revenir, à moins de faire les étapes à quatre pattes.

— Ils sont si malades que cela ? demande un homme couché en face de moi, de l’autre côté de la tente, et que j’ai vu revenir de Tunis, par le chemin de fer, dans la soirée, avec ses armes et son sac.

Queslier ne répond pas ; et, quand on commence à entendre les ronflements de l’individu qui s’est décidé à s’endormir, il se penche vers moi.

— Tu sais, quand tu auras quelque chose à dire, garde-le pour toi, ça vaudra mieux. Ne t’avise pas d’aller faire part de tes impressions au premier venu. Le camp est plein de bourriques.

Et, comme je parais étonné de l’expression :

— Oui, des bourriques, des moutons, des espions, si tu veux. C’en est plein. À part cinq ou six anciens, il n’y a ici que des jeunes, des nouveaux arrivés, un troupeau de vaches qui ne demandent qu’à se mettre bien dans les papiers des pieds-de-banc. Pour ça, vois-tu, ils feraient tout. Ils se dénoncent réciproquement ; ils se cassent du sucre sur le dos les uns des autres. Ils vendraient leur père. Qu’est-ce que je dis ? Le vendre ? Ils sont bien trop bêtes pour ça : ils le donneraient. Défie-toi d’eux. Si je t’en parle, tu sais, c’est par expérience. Il y a assez longtemps que je suis à la Compagnie pour les connaître.

— Depuis combien de temps y es-tu ?

— Depuis dix mois.

— Et combien en as-tu encore à faire ?

— Quarante.

— Quarante ? Mais tu y fais donc ton congé ?

Il me raconte son histoire. Il est mécanicien-ajus-