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Je suis ses indications et, quand j’ai allumé une cigarette, il reprend :

— Comment t’appelles-tu, déjà ?

— Froissard.

— Ne parle pas si fort ; on pourrait t’entendre et on te flanquerait dedans. On peut causer, mais tout bas. Moi, je m’appelle Queslier. Tu es de Paris ?

— Oui.

— Moi aussi. Il y en a pas mal de Parisiens, ici. Eh bien ! puisque nous sommes pays, je vais te donner un bon conseil : c’est de faire l’imbécile tant que tu pourras et de ne jamais répondre aux gradés ouvertement. Tu comprends, nous sommes au dépôt ; ils se sentent forts ; ils sont presque aussi nombreux que nous, et si nous ne marchions pas droit, ils ont des troupes régulières, à côté d’eux. Ah ! quand on est en détachement, c’est autre chose. Moi j’y étais. J’étais au détachement de Sandouch ; je suis tombé malade et l’on m’a expédié à l’hôpital. De là, on m’a envoyé ici. En détachement, on est beaucoup plus libre ; on est là quarante ou cinquante hommes, au plus, avec trois ou quatre gradés qui, quelquefois, n’en mènent pas large.

— Et tu n’y retourneras pas, à Sandouch ?

— Mais non. J’aime autant ça. Tout le monde y est malade. Sur cent vingt que nous étions, je suis sûr qu’il y en a à peine dix exempts de fièvres et de dysenterie. On nous faisait tracer une route dans des terrains marécageux ; alors, tu comprends… Du reste, la Compagnie ne va pas tarder à partir d’ici.

— Tu crois ? Et où ira-t-on ?

— Je ne sais pas. Dans le Sud. J’ai entendu le capitaine en parler l’autre jour. Il est justement à Tunis pour cette affaire-là. Dans le courant du mois pro-