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— Caporal, mon képi me descend sur les yeux. Il est beaucoup trop grand.

— Mettez de l’herbe dans le fond.

J’ai arraché quatre ou cinq poignées d’herbes et je les ai mises dans le fond. Il m’en pend des brins sur le front et sur les joues. Je dois ressembler à un dieu marin qui voyage incognito, avoir l’air d’un palefrenier distrait qui craint de ne plus penser à la provende de son cheval, d’un herboriste en excursion qui a oublié sa boîte de fer-blanc. Et puis c’est d’un gênant ! Ça vous pique, ça vous chatouille. On ne se figure pas comme c’est gênant, d’avoir des végétaux sur la tête.


Enfin, la journée est finie. Ouf ! À propos, j’en ai encore combien, comme celle-là, à passer ?

Trois fois trois cent-soixante-cinq font… Mille quatre-vingt-quinze. Mille quatre-vingt-quinze jours pareils à celui-là ! Mais il y a de quoi devenir fou !

Et, m’étendant sur la natte qui me sert de matelas, je me plonge dans des réflexions lugubres.


Mon voisin, celui qui, le matin, m’a indiqué une place à côté de lui, se tourne de mon côté.

— Tu n’as pas de tabac, au moins ?

— Non.

Il me passe un paquet de tabac et du papier à cigarettes. Puis, il s’enveloppe la tête de son couvre-pieds pour enflammer une allumette qu’il fait craquer, tout en toussant très fort.

— Tu feras comme moi pour allumer et tu cacheras le feu. Il est défendu de fumer après l’appel et il ne faut pas faire voir la lumière. D’ailleurs, tu n’es pas admis au prêt ; tu n’as pas le droit de fumer.