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faire le peloton. Tu ne connais pas la prison, ici ? et la cellule ? et les fers ?

Je fais un signe de tête négatif.

— Non ? Eh bien, je te souhaite de ne jamais faire connaissance avec. Et puis, tu peux te vanter d’avoir de la chance : tu arrives juste au moment où les silos sont supprimés. Tiens, tu vois, là-bas, au bout de la cour, ces trois trous à moitié bouchés avec du sable ? C’étaient les silos. J’en ai vu descendre, là-dedans, des malheureux ! Ah ! là, là !

— Et on les a supprimés, ces silos ?

— Oui, il y a un mois environ. On y avait mis un type auquel on avait attaché les mains derrière le dos. Il y est resté près de quinze jours. À midi et le soir on lui jetait, comme d’habitude son bidon d’eau qui se vidait en route et son quart de pain qu’il attrapait comme il pouvait. Je me souviens que, pendant les cinq ou six derniers jours, il criait constamment pour qu’on le fît sortir. Enfin, quand on l’a retiré, il était à moitié mangé par les vers.

— Oui, mangé par les vers, reprend le perruquier qui a fini de me couper les cheveux et remue un vieux blaireau dans un quart de fer blanc. Tu comprends bien qu’ayant les mains attachées derrière le dos, il ne pouvait pas se déculotter. Il était forcé de faire ses besoins dans son pantalon. À force, les excréments ont engendré des vers et les vers se sont mis à lui manger la chair. Il avait le bassin et le bas-ventre à moitié dévorés. On l’a porté à l’hôpital et il est mort huit jours après. Le médecin en chef a fait du pétard et a réclamé au ministère. Alors, on a supprimé les silos. Oh ! ça ne fait rien, il y a des choses qui les remplacent avantageusement. Tu verras. Lève le menton, que je te rase. Tu sais, ici, on rase