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de communiquer avec les soldats des autres corps ainsi qu’avec les indigènes et les colons ; quant aux lettres, il faut les décacheter devant le vaguemestre, qui s’assure qu’elles ne contiennent ni argent ni mandat, et qui retient même les timbres, quand elles en renferment. La nourriture ? Elle ne vaut pas cher ; l’ordinaire est mis en coupe réglée. Le prêt ? On le touche en nature ― quand on le touche. On n’est admis au prêt qu’après deux mois au moins de séjour à la compagnie ; à la première punition de prison, on est rayé de la liste.

— Alors, où passent les cinq centimes par jour et par homme alloués par l’État ?

— Moi non plus. Probablement où passe le vin que les chaouchs suppriment régulièrement à la moitié de l’effectif. Tu sais ce que c’est qu’un chaouch ? C’est un pied-de-banc, ou simplement un pied. Et un pied-de-banc, c’est un sergent. ― Nous, on nous appelle les Camisards.

— Ah ! mais à propos, le sergent d’habillement m’a déclaré tout à l’heure que je serais privé de vin pendant huit jours.

— Eh bien ! pendant huit jours il boira à ta santé le quart de vin accordé aux troupes de Tunisie. Tu commences bien, ajoute-t-il en riant. Si tu continues comme ça, avant huit jours tu iras faire un voyage là dedans.

Et il me désigne une petite cour fermée de murs derrière lesquels on entend les pas alourdis d’hommes pesamment chargés, le cliquetis des armes qu’on manœuvre, des commandements longuement espacés.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— C’est la prison. Les prisonniers sont en train de