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cœur serré, des larmes me sont venues aux paupières en recevant les consolations, banales peut-être, mais bien cordiales, de ces braves gens avec lesquels je trinquais pour la dernière fois.

L’étape du lendemain est longue. Nous traversons de longues vallées stériles, nous longeons des précipices, nous gravissons des montagnes abruptes. Et, tout d’un coup, après la descente d’une dernière côte rude, de l’autre côté d’une rivière qu’on traverse à gué, on voit se dérouler une longue plaine au milieu de laquelle, à dix kilomètres au moins, s’élèvent des bâtiments blancs dont les toits de tuiles rouges éclatent au soleil. C’est Zous-el-Souk.

Dans une heure et demie nous y serons.


Nous y sommes. Le Pandore m’a remis les menottes et vient de confier son cheval à un tringlot.

— Venez avec moi.

Je le suis, traversant à grandes enjambées, sans mot dire, la voie du chemin de fer et longeant l’espèce de rue aux deux côtés de laquelle s’élèvent quelques maisons à l’européenne, auberges et cantines. Brusquement, devant nous, apparaît le parapet en terre des retranchements qui entourent le camp. Derrière, on aperçoit le sommet des marabouts et les toits de baraquements en briques. C’est là.

Je franchis le parapet. Je suis dans le camp. Et le gendarme, ― qui est plus gendarme que méchant, ― après m’avoir soufflé à l’oreille :

— Allons, mon garçon, du courage ! crie à un sous-officier qui se promène, les mains derrière le dos :

— V’là un oiseau que j’vous amène !