Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/83

Cette page a été validée par deux contributeurs.

longtemps ? Le meilleur moyen de le faire taire est peut-être encore d’abonder dans son sens.

— Oui, en effet ; il me semble me rappeler… Une bien jolie fille…

— Ah ! pour ça ! ― Il fait claquer ses lèvres sur ses doigts. ― Ce que je m’en suis payé, des parties ! Quelles noces ! J’ai sauté plus de quatre fois par dessus le mur, allez !… Ce que c’est que la vie, tout de même ! Dire que, si je m’étais fait pincer, j’aurais peut-être été envoyé à Biribi comme vous !… Mais, dame ! on ne s’est pas fait prendre et on est gendarme !

Il se frappe la poitrine avec enthousiasme.

— Oui, on est gendarme !

— Ça se voit.

— N’est-ce pas que ça se voit ? L’uniforme me va bien, c’est une justice à me rendre… Tenez, je vais enfreindre les règlements en votre faveur : je vais vous ôter les menottes. Je ne devrais pas, mais enfin… par exemple, il ne faut pas essayer de vous sauver… Là, ça y est. Vous pouvez aller passer la journée avec vos camarades. Seulement, vous savez, demain, pour arriver, je vous rattacherai. Vous comprenez, ça c’est forcé.


— Tiens ! il s’est décidé à te lâcher, me disent les hommes du convoi. Ce n’est vraiment pas malheureux. Nous allons pouvoir passer la soirée ensemble, au moins.

La cuisine est faite. On se met à manger et l’on descend, à la nuit tombante, chez le mercanti dont la baraque s’élève seule, dans l’étranglement de la vallée, le long d’un ruisseau. On a bu à ma bonne chance, à l’écoulement rapide du temps. Et je me suis senti le