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— J’en suis sûr. Pas un mot de plus.

Le commandant est pressé d’en finir. Il vient de jeter un coup d’œil sur le capitaine et le lieutenant d’infanterie qui se sont assoupis, la tête dans la main, et qui menacent de s’endormir tout à fait. Il m’expédie avec une dernière phrase.

— Le conseil sait à quoi s’en tenir sur votre compte. Je vous le répète, un soldat qui s’est fait punir aussi souvent que vous mérite d’être puni sérieusement. Du reste, on vous l’a dit, nous vous ferions grâce que vous recommenceriez demain. Et puis, vous donnez le mauvais exemple…

Ah ! voilà, je m’y attendais ! Le mauvais exemple ! Et je m’écrie, d’une voix qui réveille les deux dormeurs et qui fait sauter le sous-lieutenant sur sa chaise :

— Alors, c’est pour cela que vous m’envoyez au bagne, ― car c’est le bagne, ces compagnies de discipline ? ― C’est pour cela que vous me prenez trois ans de ma vie, ― car j’ai encore trois ans à faire, vous le savez ! Pour cela ! parce que j’ai déjà souffert beaucoup de la méchanceté acharnée de mes supérieurs, parce que vous savez qu’ils ne me lâcheront pas, parce que vous savez que je serai puni demain, comme je l’ai été hier, comme je le suis aujourd’hui, parce que vous pensez que je donne le mauvais exemple ! De quoi m’accusez-vous, dites donc ? D’avoir été votre victime ! Pourquoi me jugez-vous ? pour des tendances ! Sur quoi me condamnez-vous ? sur des présomptions !

— Sortez ! sortez !

On m’a poussé dehors et l’on a refermé la porte…


— Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ? me demandent les