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bien que ce n’est pas moi qui le punis, c’est le règlement. Le général m’a recommandé d’être très sévère et, ma foi, vous comprenez… c’est leur faute aussi, s’ils se font punir, ces gredins-là ; ils ne veulent rien entendre. »

Si nous n’entendons rien, en effet, c’est bien que nous ne voulons rien entendre. Nous devons nous fourrer du coton dans les oreilles au moins une fois par semaine… Tous les samedis, régulièrement, le gros capiston vient assister à la lecture du rapport qu’il écoute tout en nouant la cravate de l’un et en boutonnant la veste de l’autre ; après quoi il nous fait un petit discours portant sur la nécessité de nous bien conduire et d’éviter les punitions, le tout entremêlé de recommandations morales et de prescriptions hygiéniques. L’exorde et le fond de la harangue varient un peu, suivant les circonstances, mais la péroraison est toujours la même : « Je ne saurais trop vous recommander d’être très propres. Ainsi, quand vous allez aux cabinets, n’oubliez jamais… (Il fait un geste) vous comprenez ? C’est très nécessaire dans ces pays-ci. Moi, je porte toujours dans ma poche une petite éponge destinée à cet usage-là. Tenez, la voilà. (Il sort de sa poche une chose ronde enveloppée d’un fragment de journal). Oui, je la mets dans du papier, à cause de l’humidité. Ah ! et puis, quand vous allez voir les femmes… oui, je comprends ça… les femmes… on n’est pas de bois… eh ! bien… beaucoup de précautions. Vous m’entendez ? L’eau ne coûte pas cher, n’est-ce pas ? Sans ça, quand vous serez rentrés en France, que vous serez mariés, vous aurez des enfants… des petits enfants… ça sera comme des petits lapins. »