— J’ai essayé de passer plusieurs marchés pour la fourniture des grains et des fourrages militaires…
— Ils étaient trop secs, vos fourrages.
— Voyant qu’il n’y avait rien à faire de ce côté, j’ai essayé de tirer parti de mes produits en les envoyant sur les souks. J’ai donc entrepris de tracer une route directe et commode entre mes terrains et la gare la plus proche, à travers des terres en jachère. Aussitôt les papiers timbrés ont plu chez moi.
— Ah bah !
— J’ai appris ainsi que ces vastes terrains incultes qui s’étendent à perte de vue appartiennent, sauf quelques parcelles concédées à des malheureux comme moi, à une Société anonyme dont le siège est à Paris. Cette Société, qui prétend avoir acheté ces terres, et qui les a peut-être achetées à un prix dérisoire qu’elle n’a probablement pas payé, ne veut en céder la moindre partie que contre des sommes exorbitantes. De sorte que si, plus tard, le gouvernement français ― ou celui du bey, comme vous voudrez ― prend la bonne résolution d’accorder des concessions gratuites à de nouveaux colons, il se verra obligé de racheter un franc le mètre au moins ce qu’il a donné pour rien. Voyez-vous d’ici ce que gagnera la Compagnie ?
— Vingt sous du franc, exactement.
— Tous les débouchés m’étant fermés, ou à peu près, j’ai végété quelque temps, tirant le diable par la queue à la lui arracher. L’autre jour, j’ai tenté une dernière chance. J’ai écrit au ministère pour lui demander le prêt d’une somme peu considérable, garantie d’ailleurs, et que je me faisais fort de rembourser en peu de temps. J’aurais pu marcher, avec ça… Au bout d’un mois, on m’a renvoyé ma demande