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d’un être inconscient, la vie du fakir qui contemple son nombril, la vie du chien errant qui trôle dans les rues en compissant les devantures.

Mais, pour le moment, comme je fais des réflexions graves, j’enfonce les mains très avant dans mes poches et, fort étonné, je sens rouler sous mes doigts des choses rondes. Ces choses rondes, ce sont des pièces de monnaie. Mon Dieu ! oui. Avant mon départ, on a fait une petite quête. Tout le monde a apporté son obole, tout le monde, jusqu’à la femme de chambre de ma tante, une vieille fille ridée et jaunâtre, au corsage plat, aux yeux glacés, et qui semble vouloir absolument mourir d’un pucelage rentré. Je compte les espèces. Je trouve dix-sept francs cinquante centimes. Maintenant, comme il faut être juste avec tout le monde, je dois avouer que ma poche est décousue et que j’ai entendu, tout à l’heure, quelque chose tomber à terre. C’était sans doute un sou. Il devait y avoir dix-sept francs cinquante-cinq. Pourtant, je n’en suis pas sûr. Je n’en mettrais pas ma main au feu.

Dix-sept francs cinquante, c’est mince ! Il n’y a pas de quoi faire la noce, assurément. Mais la sagesse antique et moderne ne nous apprennent-elles pas à nous contenter de peu ? D’ailleurs, ma cousine m’a promis d’appeler sur ma tête les bénédictions du ciel. En attendant, je pourrai toujours, ce soir, ajouter un petit extra à mon ordinaire assez maigre. Je mangerai un plat de plus, un dessert ― pas des pruneaux, par exemple ! Ah ! non ; après la morale avunculaire, ils feraient double emploi !… Non bis in idem !

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Le lendemain soir, mon père m’a conduit à la gare. Nous avons parlé ― de choses quelconques ― en nous