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objections à lui opposer, mais je ne trouvais rien, rien.

Rien, à part peut-être des railleries sur la forme grotesque de leurs théories, sur la sottise dans laquelle ils délayent leurs pauvres vieilles idées, arlequins centenaires cuits toujours à la même sauce ; rien à part des moqueries sur la figure extérieure, gothique et maniérée, de leurs préceptes faux qu’ils étalent dogmatiquement. Et, si j’avais ri de la couche de ridicule dont ils badigeonnent leur férocité égoïste, si j’avais raillé la forme absurde qui s’enroule autour de leur vanité venimeuse comme les capsules molles et sans saveur autour de l’amertume des médicaments, ils m’auraient traité ― pour de bon ― de mauvais plaisant, de sans-cœur, de farceur qui ne respecte rien, qui n’a pas de considération pour les choses sérieuses.

Ils auraient eu raison. Ce qu’il faut, ce ne sont pas les coups d’épingle de la moquerie, les coups de canif de la blague, dans ce voile de bêtise qu’ils ont tendu ― peut-être exprès ― devant leur méchanceté doucereuse. C’est le coup de couteau brutal qui crèverait la cotte de mailles faite de tous les lieux communs et de toutes les banalités cousus pièce à pièce dont ils couvrent leur morale étroite et hypocrite, et qui la mettrait à nu.

Ce coup de couteau-là, je ne peux pas le donner ― pas encore.


Quand je fais des réflexions, je mets les mains dans mes poches. C’est, chez moi, une habitude prise. Je ne peux pas réfléchir les mains ballantes ; il n’y a pas à s’y tromper, quand j’ai les mains ballantes, je ne réfléchis pas. Je vis alors une vie sans pensée, la vie