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Mon oncle ne me promet rien, mais, en me reconduisant jusqu’à la porte, il me donne quelque chose… Un conseil, un dernier conseil.

— Quand tu auras des galons, mon ami… Souviens-toi bien de ce que je vais te dire, grave-le dans ta mémoire.

— Oui, mon oncle.

— Quand tu auras des galons, ― sois sévère, mais juste.

Il ferme la porte.


Je descends l’escalier furieux. Furieux surtout contre moi. Quoi ! j’étais décidé, en entrant dans cette maison, à ne pas me laisser débiter trois mots de cette sempiternelle théorie de la vertu et des mœurs qui me dégoûte et m’assomme ! J’étais résolu à interrompre brutalement la coulée de cette avalanche moralisatrice qui vous engloutit sous ses phrases glacées ! J’étais déterminé à rompre avec éclat, avec insolence même ― une insolence qui aurait été de la franchise ― plutôt que de permettre à mon oncle de me tenir encore une fois ce langage qui n’est pas son langage à lui seul, mais qui est celui de tous les gens qui pensent comme lui, qui voient comme lui, qui pensent faux et qui voient faux ― des gens que je méprise déjà et que, je le sens bien, je finirai par haïr. Et je n’ai pas trouvé une phrase pour lui répondre, pas un mot pour l’arrêter ! Est-ce que j’ai manqué de courage ? Est-ce que, encore cette fois-ci, j’ai capitulé devant sa morale bête ? Est-ce que je suis un imbécile ? Non. La vérité, c’est que je ne savais quoi lui répondre. Je ne savais pas. Je ne suis pas un imbécile, je suis un ignorant. Je sentais qu’il y avait bien des répliques à lui faire cependant, bien des