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jamais courbé l’échine devant eux et j’aurais eu honte de voir quelqu’un le faire pour moi… Ce sont des bandits, vois-tu, et ils m’ont fait souffrir autant qu’on peut faire souffrir un homme. Mais, au moins, je partirai d’ici en espérant que, de même qu’on a hissé le dernier pirate à la grande vergue de son navire, on pendra le dernier buveur de sang à la hampe du chiffon ensanglanté qui lui sert de drapeau. Je partirai avec l’espoir d’entendre bientôt sonner l’heure de la justice ― et la vengeance est le corollaire de la justice ― pour tous ceux qui ont eu faim, pour tous ceux qui ont souffert, pour tous ceux qui ont pleuré… »


Je viens de jeter la lettre à la boîte et je regrette presque, maintenant, de l’avoir envoyée. Ce pauvre cousin !… Et puis, tant pis, après tout ! Au diable la famille !


Ah ! la famille ! Elle peut se vanter d’avoir trouvé un fameux dissolvant dans l’armée.

Ce ne sont jamais les quatre pages couvertes du gribouillage paternel ou des pattes de mouche de la mère qu’il cherche dans l’enveloppe qu’il vient d’ouvrir, le militaire. Et, s’il ne trouve pas, entre les deux feuilles de papier, le mandat qu’il espère, il ne se donne guère la peine de la lire, la lettre. Il s’en moque pas mal, allez !

Et les réponses ! ― ces réponses qui sont des demandes ― des demandes qu’on passe une heure à entourer de cinq ou six phrases qui veulent avoir l’air d’être affectueuses !

La famille, elle est plus loin du soldat, soyez-en sûrs, que la France des Polonais.