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Un tirailleur indigène, d’abord. Il a déserté. Il parle mal français, et un sergent de son régiment lui sert d’interprète. Ça ne dure pas longtemps, nom d’une pipe ! Cinq minutes à peine. Trois ans de travaux publics. Le Bico s’en va en pleurant.

Un fantassin, ensuite. Attitude morne, abattue. Il est accusé d’avoir dit à son adjudant qui refusait de le laisser sortir du quartier : « Je te casserais bien une patte. » C’est un garçon très bien, à ce qu’on dit, de famille riche. Le fait est qu’il s’est payé un avocat civil qui a mis sa toque de travers et qui fait de grands gestes pour se débarrasser des manches de sa toge, beaucoup trop longues.

Il plaide l’enfantillage, l’avocat civil. Ça ne réussit pas à son client : cinq ans de prison. C’est le minimum, après tout.


— Affaire Queslier !

On nous a fait sortir, l’autre témoin et moi ; mais, de l’endroit où l’on nous a relégués, je puis entendre à peu près tout. Queslier, simplement, explique l’affaire. Il assure qu’au moment où il a dû cesser de faire le peloton, il était très malade et que, du reste, il l’est encore. Depuis qu’il est à Tunis, il a demandé la visite d’un médecin qui pourrait constater la véracité de ses affirmations. On lui a refusé cette visite.

La voix du président s’élève, hargneuse.

— Abrégez ! abrégez ! Le fait de se faire porter malade au cours d’un exercice est assimilé à un refus d’obéissance, lorsque le major ne reconnaît pas la maladie. Vous êtes-vous fait porter malade ?

— Oui, mon colonel.

— Que faisiez-vous en ce moment-là ?

— Le peloton de punition.