Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oui, c’est lui, mon vieux, tu as raison ! Seulement, tout n’est pas dit. À nous deux, la belle ! Ça va être drôle !…


Ça n’a pas été drôle du tout.

Pendant un mois, les chaouchs m’ont cherché de toutes les façons sans arriver à aucun résultat, malgré leur méchanceté hypocrite. J’étais sûr de moi, certain d’aller jusqu’au bout, sans plier. Et je répétais la phrase lamentable du soldat martyrisé par ses chefs : « Ils auront la graisse, mais pas la peau. »


Un soir, mon pied a tourné sur un caillou. Le lendemain matin j’avais la cheville gonflée et je pouvais à peine me tenir debout. J’ai vu qu’il me serait impossible de faire le peloton.

— Va montrer ton pied au sergent, m’a dit un camarade. Comme il n’y a pas de médecin ici, il sera forcé de te faire remonter à Aïn-Halib et, pendant qu’on te soignera, tu seras mieux qu’ici, en prison.

Je monte clopin-clopant jusqu’à la baraque des chaouchs.

— Qu’est-ce que vous voulez ? vient me demander Craponi qui, étonné de me voir là, fait deux pas au-delà du seuil.

— Sergent, je me suis foulé le pied et je viens vous demander…

— Attendez-moi là un moment.

Il est rentré dans la maison, et en est sorti deux minutes après.

— Qu’est-ce que vous dites que vous avez ?

— J’ai le pied foulé, sergent, et je voudrais monter à Aïn-Halib, pour me présenter devant le major, avec le convoi qui part aujourd’hui.